La méditation commence bien avant le silence intérieur et elle se termine aussi avant le sommeil. 
Pour trouver le sommeil, nous pouvons compter des moutons que nous visualisons, immobiles, bêlant paisiblement, ou sautant par-dessus les barrières. Bientôt, l'imagerie mentale se dissipe, car notre attention diminue. Il devient plus facile de compter seulement nos respirations, mais cela aussi devient fatigant. Peu à peu, nous oublions que nous respirons et nous appelons cet oubli "sommeil". Si nous cherchons à demeurer en-deçà de l'endormissement, nous pouvons essayer de compter les expirations, mais pas les inspirations. Nous pouvons également accompagner nos inspirs et nos expirs avec des sonorités mentales, par exemple le son "Humm" à l'inspir, suivi du son intérieur "So" à l'expir. 
Nous pouvons encore accompagner notre respiration en mélangeant ces approches de visualisation mentale, en chantant mentalement un son à l'inspir et en comptant à l'expir. Parfois, lorsque nous perdons le compte, notre esprit divague, notre imagination travaille nos souvenirs, nos désirs et nos regrets. Nous nous laissons emporter dans un rêve lucide, ou nous nous endormons. Il nous est alors utile de compter nos expirations à rebours, pour maintenir notre niveau d'éveil mental et charger notre cerveau avec une tâche suffisamment complexe, qui le détourne des autres distractions. 
Si nous essayons de compter à rebours avant de nous endormir, ce serait un bon entraînement cognitif pour apprendre à compter, ou pour épuiser notre cerveau jusqu'à nous assoupir. En revanche, l'expérience du décompte à rebours des expirations, lorsqu'elle suit d'autres exercices de respiration plus simples, nous permet de nous observer compter, ou d'examiner quelque chose qui compte en nous, mais qui n'est pas complétement nous, quand nous sommes occupés à inverser le décompte, ou à le condenser de deux en deux. Dans ce processus, nous nous désidentifions progressivement de notre mental, jusqu'à ce que notre cerveau réinvestisse nos souvenirs émotionnels, les images qui troublent nos calculs. La méditation se réalise, lorsqu'en plein éveil, nous trouvons notre équilibre entre nos affects et nos opérations mentales, en adhérant ni aux uns, ni aux autres, mais seulement en nous identifiant au silence tumultueux, qui sonne parmi les bruits du monde, de la nature, de notre corps et des machines. Nous suspendons alors pour un moment notre jugement d'attribution sur les choses que nous percevons, nous cessons de leur attribuer des valeurs morales, culturelles ou matérielles, mais nous maintenons notre jugement d'existence, nous préservons notre capacité de discernement de l'environnement qui nous entoure. Nous nous absorbons dans la contemplation des énergies et des forces qui nous traversent, non pas pour leur beauté sublime, ou pour l'extase esthétique qu'elles nous inspirent, mais parce que nous participons avec elles à la vie, parce que nous les reconnaissons comme une part de nous-mêmes, ou que nous nous reconnaissons en elles, dans la co-existence.
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